"Tout l'argent et toutes les techniques de ramassage et de traitement d'ordures du monde ne suffiront pas à eux seuls pour assainir la ville d'Abidjan. Avec, il faudra bien réussir à changer les
abidjanais en les amenant à adopter et à garder efficacement les comportements et les bonnes pratiques de salubrité qui s'imposent."
Telle est la thèse de la communication que M. John-Prosper SEKA, Directeur du cabinet AFRiCHANGE, a faite au pré-colloque de Gagnoa sur le thème de l'Environnement et du Cadre de vie en Côte d'Ivoire.
Ci-dessous, le texte de la communication et les propositions du cabinet pour instaurer et pérenniser la salubrité à Abidjan et en Côte d'Ivoire.
INTRODUCTION
Si l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960 était un projet, les Ivoiriens, toutes générations confondues, seraient en droit, 50 ans plustard, de se poser au moins trois questions essentielles :
► Le projet a-t-il atteint ses objectifs, lesquels et à quel degré ?
►Le projet a-t-il été exécuté dans les délais fixés et les limites du budget alloué ?
►Quel retour sur investissement le projet a-t-il permis de réaliser ?
Ce droit nous est acquis aujourd’hui parce que, de toute évidence, l’indépendance est un projet, un projet de grande envergure, un projet de changement de portée politique, économique, sociale et culturelle. N’est-ce pas que l’indépendance était censée transformer notre société en nous octroyant la souveraineté nationale et l’autodétermination qui s’en suit ? N’est-ce pas qu’elle était censée améliorer notre mode de vie et nous faire évoluer en nous garantissant la nutrition, l’habitat, l’éducation, la santé, le savoir-faire, les infrastructures, les
équipements, la sécurité, la liberté de circulation, la paix et le bien-être ?
A nous qui avons vécu une partie ou la totalité des 50 ans d’indépendance, il est demandé de nous prononcer sans complaisance sur les questions suivantes :
►La Côte d’Ivoire a-t-elle changé positivement aux plans politique, économique, social et culturel ?
►Si oui, à quelle allure et à quel prix ?
►Si non, pour quelles raisons ?
►En l’état actuel des choses, quel héritage les Ivoiriens sont-ils en mesure de laisser aux générations futures pour qu’elles changent durablement ?
Partant des deux thèmes du pré-colloque organisé à Gagnoa par la Commission Nationale d’Organisation du Cinquantenaire de l’Indépendance de la Côte d’Ivoire (CNOCICI), le cabinet AFRiCHANGE (Le Spécialiste de
la Conduite du Changement) a choisi de fonder sa réflexion sur un aspect tout particulier, mais combien essentiel, de la vie économique et sociale ivoirienne et qui est celui de la salubrité urbaine.
abidjanais en les amenant à adopter et à garder efficacement les comportements et les bonnes pratiques de salubrité qui s'imposent."
Telle est la thèse de la communication que M. John-Prosper SEKA, Directeur du cabinet AFRiCHANGE, a faite au pré-colloque de Gagnoa sur le thème de l'Environnement et du Cadre de vie en Côte d'Ivoire.
Ci-dessous, le texte de la communication et les propositions du cabinet pour instaurer et pérenniser la salubrité à Abidjan et en Côte d'Ivoire.
INTRODUCTION
Si l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960 était un projet, les Ivoiriens, toutes générations confondues, seraient en droit, 50 ans plustard, de se poser au moins trois questions essentielles :
► Le projet a-t-il atteint ses objectifs, lesquels et à quel degré ?
►Le projet a-t-il été exécuté dans les délais fixés et les limites du budget alloué ?
►Quel retour sur investissement le projet a-t-il permis de réaliser ?
Ce droit nous est acquis aujourd’hui parce que, de toute évidence, l’indépendance est un projet, un projet de grande envergure, un projet de changement de portée politique, économique, sociale et culturelle. N’est-ce pas que l’indépendance était censée transformer notre société en nous octroyant la souveraineté nationale et l’autodétermination qui s’en suit ? N’est-ce pas qu’elle était censée améliorer notre mode de vie et nous faire évoluer en nous garantissant la nutrition, l’habitat, l’éducation, la santé, le savoir-faire, les infrastructures, les
équipements, la sécurité, la liberté de circulation, la paix et le bien-être ?
A nous qui avons vécu une partie ou la totalité des 50 ans d’indépendance, il est demandé de nous prononcer sans complaisance sur les questions suivantes :
►La Côte d’Ivoire a-t-elle changé positivement aux plans politique, économique, social et culturel ?
►Si oui, à quelle allure et à quel prix ?
►Si non, pour quelles raisons ?
►En l’état actuel des choses, quel héritage les Ivoiriens sont-ils en mesure de laisser aux générations futures pour qu’elles changent durablement ?
Partant des deux thèmes du pré-colloque organisé à Gagnoa par la Commission Nationale d’Organisation du Cinquantenaire de l’Indépendance de la Côte d’Ivoire (CNOCICI), le cabinet AFRiCHANGE (Le Spécialiste de
la Conduite du Changement) a choisi de fonder sa réflexion sur un aspect tout particulier, mais combien essentiel, de la vie économique et sociale ivoirienne et qui est celui de la salubrité urbaine.
En effet, il peut se trouver aujourd’hui encore de nombreux Ivoiriens qui ont connu par le passé une période où l’environnement urbain à Abidjan comme dans les villes de l’intérieur était, à tout point de vue, plus sain qu’il ne l’est aujourd’hui. On était au début, puis à l’âge d’or, de l’indépendance et le balayage des rues se faisait à la machine pendant que la SITAF (société de ramassage des ordures) évacuait nuit et jour les déchets solides et que le service d’hygiène traquait les déverseurs d’eau de ménage et autres pollueurs du domaine public. A
cette époque, Abidjan était appelée à juste titre la « Perle des Lagunes », tandis que Bouaké, la deuxième ville du pays, faisait chanter et danser les mélomanes autour de sa piscine municipale et dans ses grandes rues bien éclairées.
Comme les choses ont bien changé avec le temps ! A Abidjan, l’insalubrité a gagné du terrain et nous assaille sous les formes les plus diverses. Même certains quartiers huppés ne sont pas épargnés. Du Plateau aux Deux-Plateaux, en passant par Cocody et la Riviera, la désolation se signale de plus en plus à la vue, à l’odorat et à l’ouïe.
Cinquante ans après l’indépendance, le balayage des rues est assuré par des hommes et des femmes aux mains presque nues, qui arrivent à peine à mettre en tas le sable répandu sur le bitume par les vents et la pluie. A côté de cela, des projets d’envergure sont initiés ici et là par les pouvoirs publics et les collectivités mais, en dépit de toutes les ressources et de tous les efforts engagés, l’insalubrité continue de résister farouchement au changement. C’est à croire que tout l’argent du monde et toute la technicité mise en œuvre ne suffiront pas pour
assainir notre capitale économique (la vitrine de notre pays) et la maintenir pendant longtemps dans un état acceptable de salubrité. A en croire Paul Watzlawick, psychologue et communicateur autrichien, le temps serait certainement venu pour nos autorités administratives et communales, et pour la population d’Abidjan dans toutes ses composantes,de s’y prendre autrement pour lutter contre l’insalubrité.
En l’occurrence, l’auteur écrit ceci : « Quand tu fais toujours ce que tu as toujours fait, tu obtiens toujours ce que tu as toujours obtenu. Si tu veux autre chose, il faut que tu fasses autre chose ! Et si ce que tu fais ne t’avance pas, fais tout autre chose au lieu de faire encore plus de ce qui ne convient pas. »
Dans ce qui suit : a) nous évaluons l’ampleur et analysons les conséquences du problème de l’insalubrité urbaine à Abidjan ; b) nous identifions les facteurs clefs dont la conjonction favorise le changement dans les structures humaines ; et c) nous proposons une approche méthodologique pour la prise en compte systématique et le contrôle efficace de ces facteurs qui, pour le sujet qui nous concerne spécifiquement, sont :
►la vitesse d’adoption des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines, par toutes les entités concernées ;
►le taux effectif d’adoption des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines, par toutes les entités concernées ; et
►le taux d’efficience dans l’intégration des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines, par toutes les entités concernées.
II. L’INSALUBRITÉ URBAINE À ABIDJAN : AMPLEUR ET CONSÉQUENCES SUR LA QUALITÉ DE LA VIE
A Abidjan, l’insalubrité est probablement la chose la mieux partagée aujourd’hui : elle se voit, se sent, s’entend, se touche, se mange même. Elle n’épargne personne : riches ou pauvres, intellectuels ou illettrés, patrons ou travailleurs, personne n’y échappe. La grisaille est partout, dans les rues, sur les murs, dans l’air à certains moments de la journée. Les ordures s’entassent et débordent, dans des bacs ou à même le sol, aux abords des grandes voies et dans les lieux les plus inattendus.
Quand elles sont enlevées, une bonne partie des ordures se répand à longueur de journée, en matières et en odeurs, souvent dans des embouteillages, le long du trajet des camions de ramassage dont certains sont visiblement peu adaptés à ce genre de service. En temps de pluies, les caniveaux obstrués se vident des détritus précédemment retenus pour les étaler sur la chaussée après le retrait des eaux d’inondation qui
peuvent prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines par endroit, pour s’évaporer. Et au bout de la chaîne, ce sont les beaux plans d’eau formés par la lagune Ebrié qui écopent d’une pollution profonde et avancée.
Liés aux déchets solides et à l’encombrement des plans d’eau, on voit à Abidjan des terre-pleins centraux, des trottoirs et même des espaces entiers envahis par des mauvaises herbes et des sachets plastiques provenant des emballages d’eau et autres produits de consommation courante.
L’insalubrité à Abidjan relève aussi de la nuisance sonore des lieux de fête et de restauration à ciel ouvert qui n’épargnent aucune commune ni aucun quartier. Et dans certains de ces lieux, quand ce n’est pas le
bruit, ce sont les conditions même de préparation, de vente et de consommation des aliments qui sont profondément imprégnées d’insalubrité. Que dire des « allocodrômes » et autres maquis dans les
gares, aux abords des usines ou des chantiers et à même les trottoirs ?
Que dire des marchés si boueux en saison de pluies et où nos maîtresses de maison, qui ne se donnent pas le choix, se rendent quotidiennement dans bien des cas encore pour acheter les aliments les plus prisés de la
famille ?
Sur un autre plan, c’est la précarité des habitations et des moyens de transport qui est frappant. Ici, aucune classe sociale n’est épargnée. Il y a bien sûr les quartiers dits précaires qui s’accrochent au flanc des versants ou tapissent le creux des rigoles. Mais les villas les plus cossues, quand elles ne sont pas défigurées par des murs sur-dimensionnés, des grilles de protection renforcées ou des barbelés électrifiés, sont susceptibles d’avoir dans leurs arrière-cours des dépendances sommaires où parents et employés de maison mènent un style de vie d’un autre standing.
Il y a ensuite les « Woroworo » délabrés qui assurent le transport public dans les communes et sur les campus universitaires. Mais il n’est pas exclu que le parc auto de telle famille aisée à tous les égards comprenne au moins un véhicule de provenance étrangère, importé et mis en circulation en dépit de son âge très avancé.
Enfin, on ne saurait dépeindre l’insalubrité à Abidjan sans évoquer, au passage, les scènes de vendeurs à la sauvette qui envahissent les carrefours et les trottoirs aux heures de pointe, ou l’occupation anarchique des espaces urbains sous forme de kiosques ou de baraques.
Ces scènes, il faut le dire sans complaisance, impliquent aussi bien les vendeurs que les acheteurs qui encouragent cet état de fait. L’insalubrité, sous toutes les formes évoquées et imaginables, cause à
l’ensemble des abidjanais des contraintes indéniables. Au plan de la santé, il n’est pas à démontrer que les populations s’exposent, du fait du contact par inhalation ou au toucher avec les ordures et autres déchets potentiellement toxiques, à des allergies, à des maladies respiratoires et à la contamination alimentaire avec ses conséquences possibles de choléra et autres affections graves. Les flaques d’eau qui stagnent plusieurs jours, voire des semaines, après les pluies sont susceptibles d’aggraver les risques de paludisme qui sont déjà très élevés en temps normal. L’état vétuste des nombreux véhicules en circulation accroit inévitablement le taux de CO dans l’air. L’état délabré et malsain des espaces publics déstructure la vie sociale, privant jeunes et adultes de lieux de rencontre, d’aires de jeux et d’espaces de loisirs. L’occupation anarchique des trottoirs par les commerçants ambulants et les kiosques de vente désorganise la circulation des véhicules et des piétons, ce qui accroit les risques d’accidents et d’embouteillage. Enfin, les quartiers précaires, les constructions inachevées et les broussailles envahissantes constituent des nids naturels pour les bandits et autres malfrats qui entretiennent le taux élevé de criminalité.
L’insalubrité à Abidjan n’est ni une fatalité, ni un accident, puisqu’elle n’a pas toujours été et que l’on en connait bien les causes naturelles, techniques, économiques, juridiques et humaines qu’il suffira d’éliminer pour renouer avec un milieu sain et salubre. En premier, citons la croissance démographique rapide, l’immigration incontrôlée, l’exode rural, les déplacements internes de personnes et leurs corollaires de chômage et de promiscuité.
Lors d'une conférence prononcée en 2007 à l’invitation de la Jeune Chambre Économique, le professeur Kobi Assa avançait devant l’Assemblée nationale : « En 1998, 46% de la population urbaine totale en Côte
d’Ivoire vivaient dans la seule ville d’Abidjan, ce qui représente 20% de la population ivoirienne totale. » Une autre étude signée de Georges Photios, Philippe Hugon et Patrice Vimard (La Côte d’Ivoire à l’aube du
21ème siècle : Défis démographiques) projette la part d’Abidjan à plus de 60% de la population urbaine totale en 2010, soit près du quart de la population ivoirienne.
Cette situation est susceptible de donner lieu, dans le même espace urbain, à un ensemble de modes de vie variés que sous-tendent des comportements disparates en matière d’hygiène et de propreté. Dans ces
conditions, il n’est pas étonnant que les ordures ménagères et autres déchets industriels et humains croissent à un rythme qui devient de plus en plus difficile à gérer convenablement.
Selon le Ministre de la ville et de la salubrité urbaine : « Les populations de notre capitale économique doivent savoir que chaque année, il y a environ un résidu de 1.000.000 de tonnes d’ordures dans la ville et qui constituent des dépôts sauvages à divers endroits. Pour que la ville soit réellement rendue propre, nous avons estimé que ces dépôts sauvages doivent disparaître. Cela facilitera le travail quotidien des entreprises chargées de la collecte des ordures et permettra que la production journalière des ordures par lesdites entreprises soit enlevée et transférée à la décharge. Les Abidjanais doivent comprendre qu’il s’agit pour nous d’enlever les dépôts sauvages pour pouvoir apprécier l’état de propreté du district d’Abidjan. » (Fraternité-Matin du jeudi 12 mars 2009)
Ensuite, vient l’inadaptation du réseau d’assainissement à la vitesse de croissance de la population urbaine et au mode privilégié de construction qui est celui des maisons basses. Sans canalisations appropriées régulièrement entretenues, il va de soi que la ville s’inonde à la moindre pluie, du mélange d’eaux pluviales et du trop plein des égouts existants. Le cas du carrefour de l’Indénié est une illustration patente de cet aspect des choses. Et il n’est pas le seul : les dernières grandes pluies nous ont révélé tristement que ni l’autoroute du nord, ni le boulevard Mitterrand ne sont à l’abris des inondations.
La corruption et le manque de probité ont aussi leur part dans l’état d’insalubrité de la ville d’Abidjan. Comment expliquer autrement que le Probo Koala ait pu déverser son cargo mortel en plusieurs endroits de la
métropole et ce en plusieurs jours ? Comment comprendre qu’une ou plusieurs usines non identifiées arrivent à déverser dans les égouts, en pleine ville, d’énormes quantités d’huiles usées au point que celles-ci
débordent sur la chaussée et causent des accidents graves ?
L’on ne saurait ne pas évoquer la pauvreté parmi les facteurs qui expliquent le niveau d’insalubrité à Abidjan. En effet, l’on a vite fait de conclure que les abidjanais vivraient mieux s’ils avaient des revenus décents. Cela ne saurait se discuter. Toutefois, à l’observation, nous pouvons légitimement nous demander si l’état de fait
que nous déplorons n’est pas intimement lié aussi à un certain attachement que nous vouons à la précarité indépendamment du niveau social des uns et des autres. Les gens aisés ne s’épargnent pas toujours
l’insalubrité dans leur environnement immédiat. Certains continuent d’acheter leurs aliments dans la boue au marché, et d’autres roulent dans des véhicules destinés au rebus dans d’autres pays. Il suffit aussi
de voir l’état des routes qui conduisent à certains quartiers où habitent des cadres essentiellement, et pas des moindres. Ne préférons-nous pas toujours la viande de brousse boucanée ou le poisson fumé dans des conditions douteuses aux denrées fraiches ou congelées, quand bien même nous avons les moyens de nous offrir des réfrigérateurs et des congélateurs de grande capacité ?
Enfin, l’inadaptation apparente des législations en matière foncière vient compléter la longue liste des causes identifiables de l’insalubrité à Abidjan. En effet, au-delà des considérations naturelles, techniques, économiques et humaines qui pourraient l’expliquer, l’état d’insalubrité de la ville d’Abidjan est exacerbé par les difficultés de l’administration à trouver, à proximité de l’agglomération, un espace idoine pour enfouir ou autrement traiter les
déchets et ordures produits par les populations et les industries : Akouédo, Attinguié, Akéikoi et Williamsville posent des problèmes sérieux de droit foncier qui ne sauraient être réglés de façon satisfaisante et durable par les seuls textes qui régissent l’occupation du domaine public en Côte d’Ivoire et qui datent de 1928 et 1929.
Aussi plausibles soient-ils, les facteurs énumérés ci-dessus ne peuvent, ne devraient en aucun cas, constituer pour personne une raison suffisante pour justifier le niveau d’insalubrité à Abidjan et se résigner à y vivre un seul jour de plus. Mais alors, pourquoi cette situation prévaut-elle depuis au moins 30 ans, qu’elle s’aggrave d’année
en année et que nous ne sommes pas près de voir le bout du tunnel ?
Serions-nous incapables de changer pour un environnement sain ? Que nous faut-il pour changer ?
III. LES FACTEURS DU CHANGEMENT DURABLE
Dans la citation qui suit, Véronique Perret nous invite à un important changement de paradigme en rapport avec ce qu’est la bonne gestion des structures. L’auteur déclare : « La gestion a longtemps été envisagée comme la recherche et la mise en place de modèles universels pouvant répondre de manière définitive aux problèmes de l'organisation. Dans cette conception l'efficacité et la pérennité de l'entreprise sont assurées par sa capacité à mettre en place un mode d'organisation stable et définitif et non pas par sa capacité à le modifier. Cette conception a largement été remise en cause, et certaines avancées conceptuelles nous permettent aujourd'hui de concevoir l'efficacité et la pérennité de l'organisation comme des résultantes de sa capacité de changement.» (La gestion du changement organisationnel : Articulation de représentations ambivalentes, 1996)
Pour la ville d’Abidjan, l’efficacité et la pérennité se résument bien en une salubrité étendue et permanente qui ne saurait s’atteindre simplement en répétant les faits et gestes qui ont fait la gloire de notre capitale dans le passé ou qui font celle d’autres villes ailleurs.
La population changeant à la fois en nombre et en ses composantes, et les besoins de la vie avec, la gestion de notre cité ne saurait s’assurer par la seule recherche ou la perpétuation de « modèles universels » propres aux années 60 à 70 ou découverts aujourd’hui en Europe, en Amérique ou en Asie à l’occasion d’un voyage. Si l’on partagela conception de Mme Perret, qu’est-ce alors que cette « capacité de changement » dont devrait résulter le nouveau visage d’Abidjan ?
La société Prosci, promotrice de la méthode ADKAR® de gestion du changement, a établi, à partir d’investigations menées depuis 1999 auprès de plus de 700 organisations, que les structures qui sont
capables de changement démontrent de trois compétences clefs en rapport avec les projets de transformation, d’amélioration ou de renforcement qu’elles déploient pour soutenir et guider le passage d’un état actuel
dont elles ne sont plus satisfaites à un état futur dont elles rêvent et qu’elles idéalisent. Ces trois compétences sont : le leadership dans le parrainage, le management de projet et la gestion du changement.
Dans ce contexte et en ce qui concerne le cas de la salubrité à Abidjan, le leadership se conçoit comme le parrainage actif et visible des projets de salubrité par les hauts responsables (Ministres chargés de la
salubrité, de l’environnement, de la santé, de la construction, des transports, des infrastructures et de l’intérieur, Gouverneur du District d’Abidjan, Maires des Communes du Grand Abidjan) qui autorisent chaque initiative de changement et en assurent le financement. Selon Prosci, « le parrainage est le premier facteur de réussite du
changement. » La responsabilité du parrain consiste, d’une part, à former des coalitions avec les responsables administratifs, techniques et financiers, les chefs de communautés et les leaders d’opinion pour diriger le projet et, d’autre part, à communiquer avec toutes les parties concernées sur le bienfondé du changement qu’on veut opérer. Il s’agit pour le parrain de forger et d’élever les attentes des abidjanais : est-ce la propreté, la beauté, la sécurité qu’on veut, tous les trois ou plus ? Il s’agit aussi de susciter et d’entretenir en eux l’engagement et l’optimisme au détriment du défaitisme et du pessimisme.
Faut-il le rappeler ? « Tous les membres qui composent une haute direction ne sont pas automatiquement solidaires ni nécessairement convaincus de la pertinence d’un changement », nous avertit Céline Bareil (La résistance au changement : synthèse et critique des écrits, 2004). Il revient donc au parrain de prévenir et de gérer les conflits de compétences qui pourraient surgir ici et là, au risque de les voir affaiblir son autorité et perturber la mobilisation et les aspirations de la population, s’ils ne les annihilent pas totalement. En effet, il
est aussi établi par Prosci que « la résistance est le premier facteur d’échec du changement. »
Il revient enfin au parrain de démontrer constamment en quoi le projet est conforme à la vision et à la stratégie que la ville s’est précédemment données. La vision conditionne l’approche qu’on adopte pour changer et les ressources ainsi que l’énergie qu’on y investit. Au fait, quelle vision les abidjanais ont-ils d’une ville propre, belle et sécurisée ? Pour garder le flambeau allumé et le tenir haut, la présence et la participation active du parrain sont requises sur toute la durée du projet et ne se limitent pas seulement aux cérémonies de lancement ou
de clôture car le changement ne s’opère pas en un seul événement. Et pour toutes ces raisons, notons que le rôle de parrain est une responsabilité qui ne se délègue pas.
Toujours sur la base des principes de Prosci et pour ce qui nous concerne ici, le management de projet consiste en l’ensemble des procédés, outils et techniques qui sont mis en œuvre par les équipes
spécialisées pour parvenir à assainir la ville d’Abidjan. Le management de projet part d’une claire définition du changement à opérer : que veut dire « Abidjan ville-propre » pour chacun de nous ? L’enlèvement des
ordures produit-il la propreté ? L’éclairage des rues suffit-il pour en faire une belle ville ? L’efficacité du CeCOS est-elle synonyme de sécurité ?
A propos de la définition du changement à opérer, le Cabinet AFRiCHANGE a mené une enquête informelle auprès de quelques personnes interrogées de façon aléatoire. Les réponses reçues permettent néanmoins de se faire une bonne idée de quelques changements attendus pour améliorer et maintenir le cadre de vie à Abidjan. Les idées émises se résument comme suit :
• Définition des compétences entre le District, les Communes et les Ministères en charge de la salubrité, de l’environnement, de la santé, de la construction, des transports, des infrastructures et de l’intérieur.
• Maîtrise de la vitesse d’expansion des limites de la ville
• Construction et remodelage d’immeubles conformément au plan d’urbanisme
• Révision et application stricte de la règlementation pour l’occupation du domaine public
• Bitumage, éclairage et nettoyage mécanisé de toutes les rues de l’agglomération
• Extension et entretien des réseaux d’assainissement
• Construction d’échangeurs aux grands carrefours et de ponts sur la lagune
• Réaménagement, création et entretien d’espaces verts et de parcs
• Aménagements des berges et du plan lagunaires
• Révision et application stricte de la règlementation pour la mise en circulation et l’entretien des véhicules automobiles
• Aménagement de sites idoines de déversement des ordures ménagères et des déchets industriel
• Règlementation du dépôt, sécurisation de l’enlèvement et contrôle du traitement des ordures ménagères et des déchets industriels
• Constitution et déploiement de brigades de salubrité
• Baisse et contrôle de la criminalité
Pour que le changement se produise, les idées ainsi émises et toutes celles qui pourraient les compléter doivent ensuite se traduire en projets qui seront adéquatement financés et gérés conformément aux
règles de l’art en vue de la production des livrables attendus, et ce dans les délais prédéfinis ainsi que dans la limite des budgets alloués.
De ce fait, il est heureux de constater que les projets pour redonner à la ville d’Abidjan son allure perdue de « Perle des Lagunes » ne manquent pas. Toutefois, il y a lieu de s’interroger sur toutes les raisons pour lesquelles bon nombre de ceux-ci mettent un si grand temps à s’achever que parfois les populations y perdent intérêt ou que d’autresne donnent pas les résultats escomptés quand bien même les budgets alloués auraient été entièrement exécutés.
Ceci nous amène à la troisième et dernière composante de la capacité de changement : la gestion du changement. Partant de la définition proposée par Prosci et pour ce qui nous concerne, la gestion du changement s’entend d’un ensemble de procédés et d’outils (évaluations, stratégies et plans spécifiques d’action) pour gérer le volet humain du processus d’amélioration du cadre de vie à Abidjan, par opposition au volet technique et financier qui concerne les projets. La gestion du changement consistera à conduire les individus et les groupes qui forment la population d’Abidjan à accepter le changement et à assurer à
la ville propreté, beauté et sécurité.
Les données de recherche produites par Prosci permettent de prédire avec certitude que, bien conduite, la gestion du changement facilitera aux projets de lutte contre l’insalubrité la réalisation optimale de leurs
objectifs et un retour conséquent sur investissement en accélérant la vitesse à laquelle le plus grand nombre d’individus ou de groupes adopteront les comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques nécessaires, et en accroissant l’efficience de l’intégration de ces mêmes comportements et pratiques par toutes les entités concernées. La gestion du changement peut s’exercer de façon informelle. C’est d’ailleurs le cas encore dans de nombreuses structures qui optent pour le changement aujourd’hui. Dans ces conditions, il est fait appel à une ou plusieurs personnes (ou celles-ci se proposent volontairement) pour leur disponibilité, leurs compétences distinctives ou une expérience avérée. Ces agents du changement interviennent de façon ponctuelle, chaque fois que nécessaire, pour faire une communication, assurer une formation, gérer un ou des cas de résistance au changement, etc.
A contrario, quand elle est formalisée, la gestion du changement se présente comme une fonction institutionnalisée qui a un siège dans la structure et qui s’exerce par plusieurs personnes compétentes.
Celles-ci sont responsabilisées dans des rôles clairement définis, qu’elles exercent sur la base d’une méthodologie d’approche normalisée ou généralement acceptée, selon un plan de travail coordonné et
préalablement établi.
Il est concevable, à terme, que chacune des entités qui ont compétence sur la question de la salubrité à Abidjan (Ministères, District et Communes) abrite sa propre cellule de gestion du changement. Ceci
présenterait l’avantage d’avoir des unités spécialisées en la matière qui soient plus proches des centres de décision et mieux à même d’y suivre de très près les projets de changement qui y seront initiés.
Néanmoins, avant la vulgarisation de la fonction Gestion du Changement dans l’administration, nous conseillons son institutionnalisation au plus à trois niveaux clefs, à savoir :
a) la Primature, pour les projets de changement initiés par les Ministères techniques tant au titre de la ville d’Abidjan que de l’ensemble du pays ;
b) l’Assemblée des Districts et des Départements (ADDCI), non seulement pour le District d’Abidjan, mais aussi pour Yamoussoukro et l’ensemble des Conseils généraux ; et
c) l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI), aussi bien pour les communes d’Abidjan que pour toutes les autres mairies de Côte d’Ivoire.
Pour l’heure, il reste à savoir quelle méthodologie de gestion du changement adopter et à comprendre comment appliquer celle-ci pour opérer et pérenniser la salubrité à Abidjan.
IV. LA SALUBRITÉ À ABIDJAN : L’APPORT DU MODÈLE ADKAR® DE GESTION DU CHANGEMENT
ADKAR® est un acronyme qui énonce et fixe les principes de base de la méthodologie de gestion du changement développée en 1999 par la société Prosci. A la base cette méthode, notons le principe qui dit qu’une organisation ne change que lorsque ses membres changent, individuellement et par groupes. Aussi, la méthode ADKAR® est-elle centrée sur les cinq étapes à franchir par chaque individu et son groupe pour changer durablement. Ce sont :
• Awareness : la conscience individuelle des raisons internes et externes pour lesquelles le changement est nécessaire, et des conséquences négatives du statu quo pour l’organisation
• Desire : la volonté exprimée par chacun d’adhérer au changement et de le soutenir, à partir d’une réalisation personnelle des avantages du changement et des risques du statu quo ;
• Knowledge : les connaissances requises au plan individuel pour s’engager aisément et convenablement dans le changement ;
• Ability : la compétence démontrée par chacun dans l’adoption des nouveaux procédés ou comportements recherchés ;
• Reinformement : la disponibilité de mesures d’incitation ou de dissuasion pour maintenir chacun dans le nouvel état recherché.
Largement vulgarisée aux Etats Unis et à la conquête du Canada, de l’Europe et de l’Australie depuis quelques années, le modèle ADKAR® commence à se répandre en Afrique du Sud, au Nigéria, en Tunisie et en Côte d’Ivoire où elle a été introduite par le Cabinet AFRiCHANGE en 2005. Cette approche pragmatique et holistique se fonde sur les bonnes pratiques collectées et analysées auprès de plus 1400 sociétés à travers le monde. Elle permet, de façon proactive, d’accélérer le changement et de gérer les résistances avant que celles-ci ne se transforment en problèmes irréversibles. En outre, elle fournit une batterie d’outils, de guides et de listes de contrôle pour gérer le changement à tous les niveaux de l’organisation. Enfin, elle favorise le transfert des
connaissances et le renforcement de la capacité interne à gérer le changement, par le maintien d’un service après-vente permanent via Internet.
La méthode ADKAR® définit le processus du changement organisationnel en trois phases qui sont celles de l’initiation ou du démarrage, de l’élaboration et du déploiement des activités de gestion du changement. A
chacune de ces phases, les activités sont menées par différents acteurs, en direction de trois groupes de cibles qui sont : l’équipe de gestion du projet, les membres de la direction (y compris les superviseurs) et les destinataires ou bénéficiaires du changement.
Dans le cadre de l’application du modèle ADKAR®, la fonction Gestion du Changement est dévolue à une équipe dite de gestion du changement qui développe, de concert avec les équipes de gestion de projets et toutes les parties prenantes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation, une stratégie et des plans de communication, de formation, de gestion de la résistance et, au terme du processus, de renforcement des acquis. La mise en œuvre de la stratégie développée et le déploiement des plans élaborés incombent au premier chef au parrain et aux membres de sa coalition et non à l’équipe de gestion du changement. Ainsi, par exemple, il est établi que la communication sur le changement est mieux reçue quand elle provient de la haute hiérarchie pour les questions relatives aux raisons qui ont motivé le changement ; ou du superviseur immédiat quant elle concerne l’impact du changement sur l’individu ou le groupe. Dès lors, le rôle des membres de l’équipe du changement devra se limiter, dans les cas d’espèces, à faciliter à ces ‘envoyeurs préférés’ la préparation et la délivrance de leurs messages en temps opportun.
A ce jour, Prosci offre un ensemble de quatre programmes de base pour préparer et encadrer tous les acteurs du changement, y compris les individus et les groupes bénéficiaires du changement. Ces actions se
résument comme suit :
1. Séminaire de haut niveau pour aider, en une demi-journée, les haut-responsables à assumer efficacement leur rôle de parrainage
2. Coaching d’un jour à l’intention des cadres et des agents de maîtrise en vue de les rendre aptes à guider et à soutenir leurs collaborateurs directs dans l’adoption, l’application et l’intégration des nouveaux procédés et comportements
3. Atelier de trois jours pour certifier les membres des équipes de projet et de gestion du changement en méthodologie ADKAR®
4. Séminaire d’un jour pour initier les membres d’une organisation au concept de la gestion du changement et les disposer à accepter le changement
Techniquement formés et convenablement équipés de ce fait, les spécialistes ayant bénéficié de l’atelier de trois jours seront dûment qualifiés pour assumer les responsabilités suivantes dans le cas spécifique de salubrité urbaine qui nous préoccupe :
- diagnostiquer « l’état de santé » initial des projets de changement en les évaluant sur la base des trois compétences clefs que sont : le leadership-parrainage, le management de projet et la gestion du
changement ;
- sensibiliser à la gestion du changement : a) les membres des équipes de projets de salubrité ; b) les membres du personnel des Ministères concernés, du District et des Mairies d’Abidjan ; et c) les représentants des clients et fournisseurs qui sont parties prenantes aux changements envisagés;
- évaluer les caractéristiques de chaque projet et en déterminer les risques d’échec compte tenu de l’évaluation de la culture organisationnelle de la ville ou de la commune et des structures organisationnelles constituant les parties prenantes au projet ;
- élaborer pour chaque projet une stratégie de gestion du changement définissant les structures de gestion et de parrainage du changement, ainsi que les actions requises aux trois phases du changement, et en
faire la présentation dans un plan directeur de gestion du changement ;
- identifier les membres de la structure de parrainage et les préparer à jouer efficacement leurs rôles respectifs ;
- élaborer les plans spécifiques d’action et appuyer le parrain, les membres de sa coalition, les cadres, les agents de maîtrise et les équipes de projet, dans le déploiement et le suivi des actions spécifiques de communication, de formation, de coaching, de gestion de la résistance et de renforcement des acquis.
Les activités de gestion du changement sont soutenues et guidées par des outils flexibles et personnalisables qui permettent de prendre en compte les caractéristiques de chaque projet de changement et de répondre au mieux aux besoins spécifiques de l’organisation en changement.
V. CONCLUSION
Le grand projet de l’indépendance de la Côte d’Ivoire était porteur, avons-nous dit, d’importants changements visant la transformation de notre société, l’amélioration de notre mode de vie et l’évolution de nos populations sur différents plans, notamment : la nutrition, l’habitat, l’éducation, la santé, le savoir-faire, les infrastructures, les équipements, la sécurité, la liberté de circulation, la paix et le bien-être en général. Dans ce vaste programme de développement national, le cabinet AFRiCHANGE (Le spécialiste de la conduite du changement) a choisi de livrer sa réflexion sur le cinquantenaire de l’indépendance à partir du sujet, oh ! combien préoccupant, de l’insalubrité chronique qui étouffe les abidjanais depuis longtemps pour certains et depuis
toujours pour de nombreux autres ivoiriens nés dans les années 80 ou plus tard.
A l’analyse, il est établi que beaucoup a été fait depuis l’indépendance, en quantité et en qualité, pour créer à Abidjan un cadre de vie salubre et sain. A cet égard, rappelons que, à l’exception de l’Hôtel de District et l’immeuble communément appelé « Les 60 logements » au Plateau, tous les immeubles de standing qui donnent son caractère de métropole moderne à notre capitale économique ont été construits après 1960. Il en est de même de la quasi-totalité des infrastructures économiques et sociales qui facilitent la vie des 3 à 4 millions d’abidjanais : le Pont Général de Gaule, les autoroutes et échangeurs, l’Université de Cocody, les CHU de Cocody et de Yopougon, la SOTRA, les grands marchés communaux, les centres commerciaux et autres grandes surfaces, le Palais de la culture, etc. On peut aussi noter qu’à sa création dans les années 50 le grand quartier devenu aujourd’hui la commune de Marcory n’avait aucune artère bitumée. De même pour Abobo et,
plus tard, Yopougon. Ville à vocation administrative par essence, Abidjan a aussi accueilli après l’indépendance l’essentiel des industries du pays, se constituant du coup en agglomération pourvoyeuse d’emplois dans les secteurs public, privé et informel.
Comme on le voit, le grand Abidjan « Perle des Lagunes » dont certains ont à juste titre la nostalgie est, en très grande partie, un pur produit de l’indépendance. Toutefois, l’essor de ce projet exceptionnel à tous points de vue à l’époque a été plombé à partir des années 80 par une conjonction malheureuse de l’explosion démographique, de la chute des cours du café et du cacao, de la baisse des revenus consécutive aux programmes d’ajustements structurels et, plus récemment, de la crise politico-militaire de septembre 2002. La conséquence inévitable de ces facteurs réunis a été la réduction, voire l’abandon dans certains cas, des programmes de voiries, d’assainissement, de création d’emplois, d’infrastructures sociales et de gestion des ordures ménagères et des déchets industriels ; la raison évoquée pour ces revers étant, bien naturellement, le manque de ressources.
En retour des investissements colossaux consentis pour développer la ville d’Abidjan dès l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance, les pouvoirs publics et les investisseurs privés étaient en droit d’attendre pour les populations : santé, éducation et emplois, toutes choses qui devaient contribuer à l’élévation du niveau de vie, au développement humain et au rallongement de l’espérance de vie.
Toutefois, au regard du niveau d’endettement actuel de la Côte d’Ivoire et de l’augmentation sensible du taux de pauvreté en milieu urbain, l’on peut avancer sans risque de se tromper que le projet de réalisation d’un cadre de vie sain à Abidjan n’a pas généré un retour qui pourrait permettre aux populations d’en pérenniser les acquis.
Chaque jour qui passe rend encore plus intolérable la situation de l’insalubrité à Abidjan. En fait, il y a urgence en la demeure. Il y va non seulement de notre santé et de notre bien-être à nous qui avons l’opportunité aujourd’hui de réfléchir sur les 50 années d’indépendance de la Côte d’Ivoire. Il y va aussi tout simplement de l’avenir de nos enfants, de nos petits-enfants et des générations futures. Nous avons tant à perdre à ne pas changer maintenant pour un environnement propre et ordonné où il fait bon respirer et vivre en toute sécurité ! Et en même temps, chacun de nous a tant à gagner à s’éviter dès aujourd’hui des maladies qui pourraient l’emporter prématurément. Qui d’entre nous n’a pas le souci de savoir que l’attiéké qu’il consomme est exempt de toutes contaminations et que l’eau qu’il boit est propre à la consommation ?
Une chose parait sûre : le District et les Communes d’Abidjan n’auront sans doute jamais au même moment tout le budget nécessaire pour transformer leurs aires de compétence respectives en un jardin d’Eden. Mais une autre chose est tout aussi sûre : avec le budget dont disposent ces collectivités pour le moment, les chances de parvenir à des espacesde vie qui soient agréables et paisibles sont intactes, pourvu que chaque projet de lutte contre l’insalubrité intègre des actions spécifiques de gestion du changement, dont la finalité sera de conduire les populations cibles à changer efficacement :
1. en accélérant le temps d’adoption des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines ;
2. en assurant l’adoption, par le plus grand nombre, des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines ; et
3. en renforçant l’intégration, par le plus grand nombre, des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines.
Selon George Bernard Shaw : « Il ne peut y avoir de progrès sans changement et ceux qui ne peuvent même pas changer d’idée ne peuvent rien changer. » L’insalubrité n’est pas une fatalité. Dans le même temps, la salubrité n’est pas non plus une simple question de financement et de ramassage ou de traitement d’ordures et de déchets. La salubrité commence chez l’homme qui produits ces ordures et déchets et qui, si l’on n’y prend garde, pourrait finir par s’y habituer et s’y confondre.
Merci à la Commission Nationale d’Organisation du Cinquantenaire de l’Indépendance de la Côte d’Ivoire de nous donner l’occasion de faire ensemble le point de la capacité de changement des Ivoiriens. Merci à tous (Ministères, ADDCI, UVICOCI, entreprises privées, associations professionnelles et ONG) de prendre le temps de considérer la proposition du Cabinet AFRiCHANGE pour changer durablement nos organisations et nos communautés en changeant efficacement les individus et les groupes qui les composent, dans le cadre des perspectives des 50
prochaines années de l’histoire de la Côte d’Ivoire indépendante.
cette époque, Abidjan était appelée à juste titre la « Perle des Lagunes », tandis que Bouaké, la deuxième ville du pays, faisait chanter et danser les mélomanes autour de sa piscine municipale et dans ses grandes rues bien éclairées.
Comme les choses ont bien changé avec le temps ! A Abidjan, l’insalubrité a gagné du terrain et nous assaille sous les formes les plus diverses. Même certains quartiers huppés ne sont pas épargnés. Du Plateau aux Deux-Plateaux, en passant par Cocody et la Riviera, la désolation se signale de plus en plus à la vue, à l’odorat et à l’ouïe.
Cinquante ans après l’indépendance, le balayage des rues est assuré par des hommes et des femmes aux mains presque nues, qui arrivent à peine à mettre en tas le sable répandu sur le bitume par les vents et la pluie. A côté de cela, des projets d’envergure sont initiés ici et là par les pouvoirs publics et les collectivités mais, en dépit de toutes les ressources et de tous les efforts engagés, l’insalubrité continue de résister farouchement au changement. C’est à croire que tout l’argent du monde et toute la technicité mise en œuvre ne suffiront pas pour
assainir notre capitale économique (la vitrine de notre pays) et la maintenir pendant longtemps dans un état acceptable de salubrité. A en croire Paul Watzlawick, psychologue et communicateur autrichien, le temps serait certainement venu pour nos autorités administratives et communales, et pour la population d’Abidjan dans toutes ses composantes,de s’y prendre autrement pour lutter contre l’insalubrité.
En l’occurrence, l’auteur écrit ceci : « Quand tu fais toujours ce que tu as toujours fait, tu obtiens toujours ce que tu as toujours obtenu. Si tu veux autre chose, il faut que tu fasses autre chose ! Et si ce que tu fais ne t’avance pas, fais tout autre chose au lieu de faire encore plus de ce qui ne convient pas. »
Dans ce qui suit : a) nous évaluons l’ampleur et analysons les conséquences du problème de l’insalubrité urbaine à Abidjan ; b) nous identifions les facteurs clefs dont la conjonction favorise le changement dans les structures humaines ; et c) nous proposons une approche méthodologique pour la prise en compte systématique et le contrôle efficace de ces facteurs qui, pour le sujet qui nous concerne spécifiquement, sont :
►la vitesse d’adoption des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines, par toutes les entités concernées ;
►le taux effectif d’adoption des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines, par toutes les entités concernées ; et
►le taux d’efficience dans l’intégration des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines, par toutes les entités concernées.
II. L’INSALUBRITÉ URBAINE À ABIDJAN : AMPLEUR ET CONSÉQUENCES SUR LA QUALITÉ DE LA VIE
A Abidjan, l’insalubrité est probablement la chose la mieux partagée aujourd’hui : elle se voit, se sent, s’entend, se touche, se mange même. Elle n’épargne personne : riches ou pauvres, intellectuels ou illettrés, patrons ou travailleurs, personne n’y échappe. La grisaille est partout, dans les rues, sur les murs, dans l’air à certains moments de la journée. Les ordures s’entassent et débordent, dans des bacs ou à même le sol, aux abords des grandes voies et dans les lieux les plus inattendus.
Quand elles sont enlevées, une bonne partie des ordures se répand à longueur de journée, en matières et en odeurs, souvent dans des embouteillages, le long du trajet des camions de ramassage dont certains sont visiblement peu adaptés à ce genre de service. En temps de pluies, les caniveaux obstrués se vident des détritus précédemment retenus pour les étaler sur la chaussée après le retrait des eaux d’inondation qui
peuvent prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines par endroit, pour s’évaporer. Et au bout de la chaîne, ce sont les beaux plans d’eau formés par la lagune Ebrié qui écopent d’une pollution profonde et avancée.
Liés aux déchets solides et à l’encombrement des plans d’eau, on voit à Abidjan des terre-pleins centraux, des trottoirs et même des espaces entiers envahis par des mauvaises herbes et des sachets plastiques provenant des emballages d’eau et autres produits de consommation courante.
L’insalubrité à Abidjan relève aussi de la nuisance sonore des lieux de fête et de restauration à ciel ouvert qui n’épargnent aucune commune ni aucun quartier. Et dans certains de ces lieux, quand ce n’est pas le
bruit, ce sont les conditions même de préparation, de vente et de consommation des aliments qui sont profondément imprégnées d’insalubrité. Que dire des « allocodrômes » et autres maquis dans les
gares, aux abords des usines ou des chantiers et à même les trottoirs ?
Que dire des marchés si boueux en saison de pluies et où nos maîtresses de maison, qui ne se donnent pas le choix, se rendent quotidiennement dans bien des cas encore pour acheter les aliments les plus prisés de la
famille ?
Sur un autre plan, c’est la précarité des habitations et des moyens de transport qui est frappant. Ici, aucune classe sociale n’est épargnée. Il y a bien sûr les quartiers dits précaires qui s’accrochent au flanc des versants ou tapissent le creux des rigoles. Mais les villas les plus cossues, quand elles ne sont pas défigurées par des murs sur-dimensionnés, des grilles de protection renforcées ou des barbelés électrifiés, sont susceptibles d’avoir dans leurs arrière-cours des dépendances sommaires où parents et employés de maison mènent un style de vie d’un autre standing.
Il y a ensuite les « Woroworo » délabrés qui assurent le transport public dans les communes et sur les campus universitaires. Mais il n’est pas exclu que le parc auto de telle famille aisée à tous les égards comprenne au moins un véhicule de provenance étrangère, importé et mis en circulation en dépit de son âge très avancé.
Enfin, on ne saurait dépeindre l’insalubrité à Abidjan sans évoquer, au passage, les scènes de vendeurs à la sauvette qui envahissent les carrefours et les trottoirs aux heures de pointe, ou l’occupation anarchique des espaces urbains sous forme de kiosques ou de baraques.
Ces scènes, il faut le dire sans complaisance, impliquent aussi bien les vendeurs que les acheteurs qui encouragent cet état de fait. L’insalubrité, sous toutes les formes évoquées et imaginables, cause à
l’ensemble des abidjanais des contraintes indéniables. Au plan de la santé, il n’est pas à démontrer que les populations s’exposent, du fait du contact par inhalation ou au toucher avec les ordures et autres déchets potentiellement toxiques, à des allergies, à des maladies respiratoires et à la contamination alimentaire avec ses conséquences possibles de choléra et autres affections graves. Les flaques d’eau qui stagnent plusieurs jours, voire des semaines, après les pluies sont susceptibles d’aggraver les risques de paludisme qui sont déjà très élevés en temps normal. L’état vétuste des nombreux véhicules en circulation accroit inévitablement le taux de CO dans l’air. L’état délabré et malsain des espaces publics déstructure la vie sociale, privant jeunes et adultes de lieux de rencontre, d’aires de jeux et d’espaces de loisirs. L’occupation anarchique des trottoirs par les commerçants ambulants et les kiosques de vente désorganise la circulation des véhicules et des piétons, ce qui accroit les risques d’accidents et d’embouteillage. Enfin, les quartiers précaires, les constructions inachevées et les broussailles envahissantes constituent des nids naturels pour les bandits et autres malfrats qui entretiennent le taux élevé de criminalité.
L’insalubrité à Abidjan n’est ni une fatalité, ni un accident, puisqu’elle n’a pas toujours été et que l’on en connait bien les causes naturelles, techniques, économiques, juridiques et humaines qu’il suffira d’éliminer pour renouer avec un milieu sain et salubre. En premier, citons la croissance démographique rapide, l’immigration incontrôlée, l’exode rural, les déplacements internes de personnes et leurs corollaires de chômage et de promiscuité.
Lors d'une conférence prononcée en 2007 à l’invitation de la Jeune Chambre Économique, le professeur Kobi Assa avançait devant l’Assemblée nationale : « En 1998, 46% de la population urbaine totale en Côte
d’Ivoire vivaient dans la seule ville d’Abidjan, ce qui représente 20% de la population ivoirienne totale. » Une autre étude signée de Georges Photios, Philippe Hugon et Patrice Vimard (La Côte d’Ivoire à l’aube du
21ème siècle : Défis démographiques) projette la part d’Abidjan à plus de 60% de la population urbaine totale en 2010, soit près du quart de la population ivoirienne.
Cette situation est susceptible de donner lieu, dans le même espace urbain, à un ensemble de modes de vie variés que sous-tendent des comportements disparates en matière d’hygiène et de propreté. Dans ces
conditions, il n’est pas étonnant que les ordures ménagères et autres déchets industriels et humains croissent à un rythme qui devient de plus en plus difficile à gérer convenablement.
Selon le Ministre de la ville et de la salubrité urbaine : « Les populations de notre capitale économique doivent savoir que chaque année, il y a environ un résidu de 1.000.000 de tonnes d’ordures dans la ville et qui constituent des dépôts sauvages à divers endroits. Pour que la ville soit réellement rendue propre, nous avons estimé que ces dépôts sauvages doivent disparaître. Cela facilitera le travail quotidien des entreprises chargées de la collecte des ordures et permettra que la production journalière des ordures par lesdites entreprises soit enlevée et transférée à la décharge. Les Abidjanais doivent comprendre qu’il s’agit pour nous d’enlever les dépôts sauvages pour pouvoir apprécier l’état de propreté du district d’Abidjan. » (Fraternité-Matin du jeudi 12 mars 2009)
Ensuite, vient l’inadaptation du réseau d’assainissement à la vitesse de croissance de la population urbaine et au mode privilégié de construction qui est celui des maisons basses. Sans canalisations appropriées régulièrement entretenues, il va de soi que la ville s’inonde à la moindre pluie, du mélange d’eaux pluviales et du trop plein des égouts existants. Le cas du carrefour de l’Indénié est une illustration patente de cet aspect des choses. Et il n’est pas le seul : les dernières grandes pluies nous ont révélé tristement que ni l’autoroute du nord, ni le boulevard Mitterrand ne sont à l’abris des inondations.
La corruption et le manque de probité ont aussi leur part dans l’état d’insalubrité de la ville d’Abidjan. Comment expliquer autrement que le Probo Koala ait pu déverser son cargo mortel en plusieurs endroits de la
métropole et ce en plusieurs jours ? Comment comprendre qu’une ou plusieurs usines non identifiées arrivent à déverser dans les égouts, en pleine ville, d’énormes quantités d’huiles usées au point que celles-ci
débordent sur la chaussée et causent des accidents graves ?
L’on ne saurait ne pas évoquer la pauvreté parmi les facteurs qui expliquent le niveau d’insalubrité à Abidjan. En effet, l’on a vite fait de conclure que les abidjanais vivraient mieux s’ils avaient des revenus décents. Cela ne saurait se discuter. Toutefois, à l’observation, nous pouvons légitimement nous demander si l’état de fait
que nous déplorons n’est pas intimement lié aussi à un certain attachement que nous vouons à la précarité indépendamment du niveau social des uns et des autres. Les gens aisés ne s’épargnent pas toujours
l’insalubrité dans leur environnement immédiat. Certains continuent d’acheter leurs aliments dans la boue au marché, et d’autres roulent dans des véhicules destinés au rebus dans d’autres pays. Il suffit aussi
de voir l’état des routes qui conduisent à certains quartiers où habitent des cadres essentiellement, et pas des moindres. Ne préférons-nous pas toujours la viande de brousse boucanée ou le poisson fumé dans des conditions douteuses aux denrées fraiches ou congelées, quand bien même nous avons les moyens de nous offrir des réfrigérateurs et des congélateurs de grande capacité ?
Enfin, l’inadaptation apparente des législations en matière foncière vient compléter la longue liste des causes identifiables de l’insalubrité à Abidjan. En effet, au-delà des considérations naturelles, techniques, économiques et humaines qui pourraient l’expliquer, l’état d’insalubrité de la ville d’Abidjan est exacerbé par les difficultés de l’administration à trouver, à proximité de l’agglomération, un espace idoine pour enfouir ou autrement traiter les
déchets et ordures produits par les populations et les industries : Akouédo, Attinguié, Akéikoi et Williamsville posent des problèmes sérieux de droit foncier qui ne sauraient être réglés de façon satisfaisante et durable par les seuls textes qui régissent l’occupation du domaine public en Côte d’Ivoire et qui datent de 1928 et 1929.
Aussi plausibles soient-ils, les facteurs énumérés ci-dessus ne peuvent, ne devraient en aucun cas, constituer pour personne une raison suffisante pour justifier le niveau d’insalubrité à Abidjan et se résigner à y vivre un seul jour de plus. Mais alors, pourquoi cette situation prévaut-elle depuis au moins 30 ans, qu’elle s’aggrave d’année
en année et que nous ne sommes pas près de voir le bout du tunnel ?
Serions-nous incapables de changer pour un environnement sain ? Que nous faut-il pour changer ?
III. LES FACTEURS DU CHANGEMENT DURABLE
Dans la citation qui suit, Véronique Perret nous invite à un important changement de paradigme en rapport avec ce qu’est la bonne gestion des structures. L’auteur déclare : « La gestion a longtemps été envisagée comme la recherche et la mise en place de modèles universels pouvant répondre de manière définitive aux problèmes de l'organisation. Dans cette conception l'efficacité et la pérennité de l'entreprise sont assurées par sa capacité à mettre en place un mode d'organisation stable et définitif et non pas par sa capacité à le modifier. Cette conception a largement été remise en cause, et certaines avancées conceptuelles nous permettent aujourd'hui de concevoir l'efficacité et la pérennité de l'organisation comme des résultantes de sa capacité de changement.» (La gestion du changement organisationnel : Articulation de représentations ambivalentes, 1996)
Pour la ville d’Abidjan, l’efficacité et la pérennité se résument bien en une salubrité étendue et permanente qui ne saurait s’atteindre simplement en répétant les faits et gestes qui ont fait la gloire de notre capitale dans le passé ou qui font celle d’autres villes ailleurs.
La population changeant à la fois en nombre et en ses composantes, et les besoins de la vie avec, la gestion de notre cité ne saurait s’assurer par la seule recherche ou la perpétuation de « modèles universels » propres aux années 60 à 70 ou découverts aujourd’hui en Europe, en Amérique ou en Asie à l’occasion d’un voyage. Si l’on partagela conception de Mme Perret, qu’est-ce alors que cette « capacité de changement » dont devrait résulter le nouveau visage d’Abidjan ?
La société Prosci, promotrice de la méthode ADKAR® de gestion du changement, a établi, à partir d’investigations menées depuis 1999 auprès de plus de 700 organisations, que les structures qui sont
capables de changement démontrent de trois compétences clefs en rapport avec les projets de transformation, d’amélioration ou de renforcement qu’elles déploient pour soutenir et guider le passage d’un état actuel
dont elles ne sont plus satisfaites à un état futur dont elles rêvent et qu’elles idéalisent. Ces trois compétences sont : le leadership dans le parrainage, le management de projet et la gestion du changement.
Dans ce contexte et en ce qui concerne le cas de la salubrité à Abidjan, le leadership se conçoit comme le parrainage actif et visible des projets de salubrité par les hauts responsables (Ministres chargés de la
salubrité, de l’environnement, de la santé, de la construction, des transports, des infrastructures et de l’intérieur, Gouverneur du District d’Abidjan, Maires des Communes du Grand Abidjan) qui autorisent chaque initiative de changement et en assurent le financement. Selon Prosci, « le parrainage est le premier facteur de réussite du
changement. » La responsabilité du parrain consiste, d’une part, à former des coalitions avec les responsables administratifs, techniques et financiers, les chefs de communautés et les leaders d’opinion pour diriger le projet et, d’autre part, à communiquer avec toutes les parties concernées sur le bienfondé du changement qu’on veut opérer. Il s’agit pour le parrain de forger et d’élever les attentes des abidjanais : est-ce la propreté, la beauté, la sécurité qu’on veut, tous les trois ou plus ? Il s’agit aussi de susciter et d’entretenir en eux l’engagement et l’optimisme au détriment du défaitisme et du pessimisme.
Faut-il le rappeler ? « Tous les membres qui composent une haute direction ne sont pas automatiquement solidaires ni nécessairement convaincus de la pertinence d’un changement », nous avertit Céline Bareil (La résistance au changement : synthèse et critique des écrits, 2004). Il revient donc au parrain de prévenir et de gérer les conflits de compétences qui pourraient surgir ici et là, au risque de les voir affaiblir son autorité et perturber la mobilisation et les aspirations de la population, s’ils ne les annihilent pas totalement. En effet, il
est aussi établi par Prosci que « la résistance est le premier facteur d’échec du changement. »
Il revient enfin au parrain de démontrer constamment en quoi le projet est conforme à la vision et à la stratégie que la ville s’est précédemment données. La vision conditionne l’approche qu’on adopte pour changer et les ressources ainsi que l’énergie qu’on y investit. Au fait, quelle vision les abidjanais ont-ils d’une ville propre, belle et sécurisée ? Pour garder le flambeau allumé et le tenir haut, la présence et la participation active du parrain sont requises sur toute la durée du projet et ne se limitent pas seulement aux cérémonies de lancement ou
de clôture car le changement ne s’opère pas en un seul événement. Et pour toutes ces raisons, notons que le rôle de parrain est une responsabilité qui ne se délègue pas.
Toujours sur la base des principes de Prosci et pour ce qui nous concerne ici, le management de projet consiste en l’ensemble des procédés, outils et techniques qui sont mis en œuvre par les équipes
spécialisées pour parvenir à assainir la ville d’Abidjan. Le management de projet part d’une claire définition du changement à opérer : que veut dire « Abidjan ville-propre » pour chacun de nous ? L’enlèvement des
ordures produit-il la propreté ? L’éclairage des rues suffit-il pour en faire une belle ville ? L’efficacité du CeCOS est-elle synonyme de sécurité ?
A propos de la définition du changement à opérer, le Cabinet AFRiCHANGE a mené une enquête informelle auprès de quelques personnes interrogées de façon aléatoire. Les réponses reçues permettent néanmoins de se faire une bonne idée de quelques changements attendus pour améliorer et maintenir le cadre de vie à Abidjan. Les idées émises se résument comme suit :
• Définition des compétences entre le District, les Communes et les Ministères en charge de la salubrité, de l’environnement, de la santé, de la construction, des transports, des infrastructures et de l’intérieur.
• Maîtrise de la vitesse d’expansion des limites de la ville
• Construction et remodelage d’immeubles conformément au plan d’urbanisme
• Révision et application stricte de la règlementation pour l’occupation du domaine public
• Bitumage, éclairage et nettoyage mécanisé de toutes les rues de l’agglomération
• Extension et entretien des réseaux d’assainissement
• Construction d’échangeurs aux grands carrefours et de ponts sur la lagune
• Réaménagement, création et entretien d’espaces verts et de parcs
• Aménagements des berges et du plan lagunaires
• Révision et application stricte de la règlementation pour la mise en circulation et l’entretien des véhicules automobiles
• Aménagement de sites idoines de déversement des ordures ménagères et des déchets industriel
• Règlementation du dépôt, sécurisation de l’enlèvement et contrôle du traitement des ordures ménagères et des déchets industriels
• Constitution et déploiement de brigades de salubrité
• Baisse et contrôle de la criminalité
Pour que le changement se produise, les idées ainsi émises et toutes celles qui pourraient les compléter doivent ensuite se traduire en projets qui seront adéquatement financés et gérés conformément aux
règles de l’art en vue de la production des livrables attendus, et ce dans les délais prédéfinis ainsi que dans la limite des budgets alloués.
De ce fait, il est heureux de constater que les projets pour redonner à la ville d’Abidjan son allure perdue de « Perle des Lagunes » ne manquent pas. Toutefois, il y a lieu de s’interroger sur toutes les raisons pour lesquelles bon nombre de ceux-ci mettent un si grand temps à s’achever que parfois les populations y perdent intérêt ou que d’autresne donnent pas les résultats escomptés quand bien même les budgets alloués auraient été entièrement exécutés.
Ceci nous amène à la troisième et dernière composante de la capacité de changement : la gestion du changement. Partant de la définition proposée par Prosci et pour ce qui nous concerne, la gestion du changement s’entend d’un ensemble de procédés et d’outils (évaluations, stratégies et plans spécifiques d’action) pour gérer le volet humain du processus d’amélioration du cadre de vie à Abidjan, par opposition au volet technique et financier qui concerne les projets. La gestion du changement consistera à conduire les individus et les groupes qui forment la population d’Abidjan à accepter le changement et à assurer à
la ville propreté, beauté et sécurité.
Les données de recherche produites par Prosci permettent de prédire avec certitude que, bien conduite, la gestion du changement facilitera aux projets de lutte contre l’insalubrité la réalisation optimale de leurs
objectifs et un retour conséquent sur investissement en accélérant la vitesse à laquelle le plus grand nombre d’individus ou de groupes adopteront les comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques nécessaires, et en accroissant l’efficience de l’intégration de ces mêmes comportements et pratiques par toutes les entités concernées. La gestion du changement peut s’exercer de façon informelle. C’est d’ailleurs le cas encore dans de nombreuses structures qui optent pour le changement aujourd’hui. Dans ces conditions, il est fait appel à une ou plusieurs personnes (ou celles-ci se proposent volontairement) pour leur disponibilité, leurs compétences distinctives ou une expérience avérée. Ces agents du changement interviennent de façon ponctuelle, chaque fois que nécessaire, pour faire une communication, assurer une formation, gérer un ou des cas de résistance au changement, etc.
A contrario, quand elle est formalisée, la gestion du changement se présente comme une fonction institutionnalisée qui a un siège dans la structure et qui s’exerce par plusieurs personnes compétentes.
Celles-ci sont responsabilisées dans des rôles clairement définis, qu’elles exercent sur la base d’une méthodologie d’approche normalisée ou généralement acceptée, selon un plan de travail coordonné et
préalablement établi.
Il est concevable, à terme, que chacune des entités qui ont compétence sur la question de la salubrité à Abidjan (Ministères, District et Communes) abrite sa propre cellule de gestion du changement. Ceci
présenterait l’avantage d’avoir des unités spécialisées en la matière qui soient plus proches des centres de décision et mieux à même d’y suivre de très près les projets de changement qui y seront initiés.
Néanmoins, avant la vulgarisation de la fonction Gestion du Changement dans l’administration, nous conseillons son institutionnalisation au plus à trois niveaux clefs, à savoir :
a) la Primature, pour les projets de changement initiés par les Ministères techniques tant au titre de la ville d’Abidjan que de l’ensemble du pays ;
b) l’Assemblée des Districts et des Départements (ADDCI), non seulement pour le District d’Abidjan, mais aussi pour Yamoussoukro et l’ensemble des Conseils généraux ; et
c) l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI), aussi bien pour les communes d’Abidjan que pour toutes les autres mairies de Côte d’Ivoire.
Pour l’heure, il reste à savoir quelle méthodologie de gestion du changement adopter et à comprendre comment appliquer celle-ci pour opérer et pérenniser la salubrité à Abidjan.
IV. LA SALUBRITÉ À ABIDJAN : L’APPORT DU MODÈLE ADKAR® DE GESTION DU CHANGEMENT
ADKAR® est un acronyme qui énonce et fixe les principes de base de la méthodologie de gestion du changement développée en 1999 par la société Prosci. A la base cette méthode, notons le principe qui dit qu’une organisation ne change que lorsque ses membres changent, individuellement et par groupes. Aussi, la méthode ADKAR® est-elle centrée sur les cinq étapes à franchir par chaque individu et son groupe pour changer durablement. Ce sont :
• Awareness : la conscience individuelle des raisons internes et externes pour lesquelles le changement est nécessaire, et des conséquences négatives du statu quo pour l’organisation
• Desire : la volonté exprimée par chacun d’adhérer au changement et de le soutenir, à partir d’une réalisation personnelle des avantages du changement et des risques du statu quo ;
• Knowledge : les connaissances requises au plan individuel pour s’engager aisément et convenablement dans le changement ;
• Ability : la compétence démontrée par chacun dans l’adoption des nouveaux procédés ou comportements recherchés ;
• Reinformement : la disponibilité de mesures d’incitation ou de dissuasion pour maintenir chacun dans le nouvel état recherché.
Largement vulgarisée aux Etats Unis et à la conquête du Canada, de l’Europe et de l’Australie depuis quelques années, le modèle ADKAR® commence à se répandre en Afrique du Sud, au Nigéria, en Tunisie et en Côte d’Ivoire où elle a été introduite par le Cabinet AFRiCHANGE en 2005. Cette approche pragmatique et holistique se fonde sur les bonnes pratiques collectées et analysées auprès de plus 1400 sociétés à travers le monde. Elle permet, de façon proactive, d’accélérer le changement et de gérer les résistances avant que celles-ci ne se transforment en problèmes irréversibles. En outre, elle fournit une batterie d’outils, de guides et de listes de contrôle pour gérer le changement à tous les niveaux de l’organisation. Enfin, elle favorise le transfert des
connaissances et le renforcement de la capacité interne à gérer le changement, par le maintien d’un service après-vente permanent via Internet.
La méthode ADKAR® définit le processus du changement organisationnel en trois phases qui sont celles de l’initiation ou du démarrage, de l’élaboration et du déploiement des activités de gestion du changement. A
chacune de ces phases, les activités sont menées par différents acteurs, en direction de trois groupes de cibles qui sont : l’équipe de gestion du projet, les membres de la direction (y compris les superviseurs) et les destinataires ou bénéficiaires du changement.
Dans le cadre de l’application du modèle ADKAR®, la fonction Gestion du Changement est dévolue à une équipe dite de gestion du changement qui développe, de concert avec les équipes de gestion de projets et toutes les parties prenantes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation, une stratégie et des plans de communication, de formation, de gestion de la résistance et, au terme du processus, de renforcement des acquis. La mise en œuvre de la stratégie développée et le déploiement des plans élaborés incombent au premier chef au parrain et aux membres de sa coalition et non à l’équipe de gestion du changement. Ainsi, par exemple, il est établi que la communication sur le changement est mieux reçue quand elle provient de la haute hiérarchie pour les questions relatives aux raisons qui ont motivé le changement ; ou du superviseur immédiat quant elle concerne l’impact du changement sur l’individu ou le groupe. Dès lors, le rôle des membres de l’équipe du changement devra se limiter, dans les cas d’espèces, à faciliter à ces ‘envoyeurs préférés’ la préparation et la délivrance de leurs messages en temps opportun.
A ce jour, Prosci offre un ensemble de quatre programmes de base pour préparer et encadrer tous les acteurs du changement, y compris les individus et les groupes bénéficiaires du changement. Ces actions se
résument comme suit :
1. Séminaire de haut niveau pour aider, en une demi-journée, les haut-responsables à assumer efficacement leur rôle de parrainage
2. Coaching d’un jour à l’intention des cadres et des agents de maîtrise en vue de les rendre aptes à guider et à soutenir leurs collaborateurs directs dans l’adoption, l’application et l’intégration des nouveaux procédés et comportements
3. Atelier de trois jours pour certifier les membres des équipes de projet et de gestion du changement en méthodologie ADKAR®
4. Séminaire d’un jour pour initier les membres d’une organisation au concept de la gestion du changement et les disposer à accepter le changement
Techniquement formés et convenablement équipés de ce fait, les spécialistes ayant bénéficié de l’atelier de trois jours seront dûment qualifiés pour assumer les responsabilités suivantes dans le cas spécifique de salubrité urbaine qui nous préoccupe :
- diagnostiquer « l’état de santé » initial des projets de changement en les évaluant sur la base des trois compétences clefs que sont : le leadership-parrainage, le management de projet et la gestion du
changement ;
- sensibiliser à la gestion du changement : a) les membres des équipes de projets de salubrité ; b) les membres du personnel des Ministères concernés, du District et des Mairies d’Abidjan ; et c) les représentants des clients et fournisseurs qui sont parties prenantes aux changements envisagés;
- évaluer les caractéristiques de chaque projet et en déterminer les risques d’échec compte tenu de l’évaluation de la culture organisationnelle de la ville ou de la commune et des structures organisationnelles constituant les parties prenantes au projet ;
- élaborer pour chaque projet une stratégie de gestion du changement définissant les structures de gestion et de parrainage du changement, ainsi que les actions requises aux trois phases du changement, et en
faire la présentation dans un plan directeur de gestion du changement ;
- identifier les membres de la structure de parrainage et les préparer à jouer efficacement leurs rôles respectifs ;
- élaborer les plans spécifiques d’action et appuyer le parrain, les membres de sa coalition, les cadres, les agents de maîtrise et les équipes de projet, dans le déploiement et le suivi des actions spécifiques de communication, de formation, de coaching, de gestion de la résistance et de renforcement des acquis.
Les activités de gestion du changement sont soutenues et guidées par des outils flexibles et personnalisables qui permettent de prendre en compte les caractéristiques de chaque projet de changement et de répondre au mieux aux besoins spécifiques de l’organisation en changement.
V. CONCLUSION
Le grand projet de l’indépendance de la Côte d’Ivoire était porteur, avons-nous dit, d’importants changements visant la transformation de notre société, l’amélioration de notre mode de vie et l’évolution de nos populations sur différents plans, notamment : la nutrition, l’habitat, l’éducation, la santé, le savoir-faire, les infrastructures, les équipements, la sécurité, la liberté de circulation, la paix et le bien-être en général. Dans ce vaste programme de développement national, le cabinet AFRiCHANGE (Le spécialiste de la conduite du changement) a choisi de livrer sa réflexion sur le cinquantenaire de l’indépendance à partir du sujet, oh ! combien préoccupant, de l’insalubrité chronique qui étouffe les abidjanais depuis longtemps pour certains et depuis
toujours pour de nombreux autres ivoiriens nés dans les années 80 ou plus tard.
A l’analyse, il est établi que beaucoup a été fait depuis l’indépendance, en quantité et en qualité, pour créer à Abidjan un cadre de vie salubre et sain. A cet égard, rappelons que, à l’exception de l’Hôtel de District et l’immeuble communément appelé « Les 60 logements » au Plateau, tous les immeubles de standing qui donnent son caractère de métropole moderne à notre capitale économique ont été construits après 1960. Il en est de même de la quasi-totalité des infrastructures économiques et sociales qui facilitent la vie des 3 à 4 millions d’abidjanais : le Pont Général de Gaule, les autoroutes et échangeurs, l’Université de Cocody, les CHU de Cocody et de Yopougon, la SOTRA, les grands marchés communaux, les centres commerciaux et autres grandes surfaces, le Palais de la culture, etc. On peut aussi noter qu’à sa création dans les années 50 le grand quartier devenu aujourd’hui la commune de Marcory n’avait aucune artère bitumée. De même pour Abobo et,
plus tard, Yopougon. Ville à vocation administrative par essence, Abidjan a aussi accueilli après l’indépendance l’essentiel des industries du pays, se constituant du coup en agglomération pourvoyeuse d’emplois dans les secteurs public, privé et informel.
Comme on le voit, le grand Abidjan « Perle des Lagunes » dont certains ont à juste titre la nostalgie est, en très grande partie, un pur produit de l’indépendance. Toutefois, l’essor de ce projet exceptionnel à tous points de vue à l’époque a été plombé à partir des années 80 par une conjonction malheureuse de l’explosion démographique, de la chute des cours du café et du cacao, de la baisse des revenus consécutive aux programmes d’ajustements structurels et, plus récemment, de la crise politico-militaire de septembre 2002. La conséquence inévitable de ces facteurs réunis a été la réduction, voire l’abandon dans certains cas, des programmes de voiries, d’assainissement, de création d’emplois, d’infrastructures sociales et de gestion des ordures ménagères et des déchets industriels ; la raison évoquée pour ces revers étant, bien naturellement, le manque de ressources.
En retour des investissements colossaux consentis pour développer la ville d’Abidjan dès l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance, les pouvoirs publics et les investisseurs privés étaient en droit d’attendre pour les populations : santé, éducation et emplois, toutes choses qui devaient contribuer à l’élévation du niveau de vie, au développement humain et au rallongement de l’espérance de vie.
Toutefois, au regard du niveau d’endettement actuel de la Côte d’Ivoire et de l’augmentation sensible du taux de pauvreté en milieu urbain, l’on peut avancer sans risque de se tromper que le projet de réalisation d’un cadre de vie sain à Abidjan n’a pas généré un retour qui pourrait permettre aux populations d’en pérenniser les acquis.
Chaque jour qui passe rend encore plus intolérable la situation de l’insalubrité à Abidjan. En fait, il y a urgence en la demeure. Il y va non seulement de notre santé et de notre bien-être à nous qui avons l’opportunité aujourd’hui de réfléchir sur les 50 années d’indépendance de la Côte d’Ivoire. Il y va aussi tout simplement de l’avenir de nos enfants, de nos petits-enfants et des générations futures. Nous avons tant à perdre à ne pas changer maintenant pour un environnement propre et ordonné où il fait bon respirer et vivre en toute sécurité ! Et en même temps, chacun de nous a tant à gagner à s’éviter dès aujourd’hui des maladies qui pourraient l’emporter prématurément. Qui d’entre nous n’a pas le souci de savoir que l’attiéké qu’il consomme est exempt de toutes contaminations et que l’eau qu’il boit est propre à la consommation ?
Une chose parait sûre : le District et les Communes d’Abidjan n’auront sans doute jamais au même moment tout le budget nécessaire pour transformer leurs aires de compétence respectives en un jardin d’Eden. Mais une autre chose est tout aussi sûre : avec le budget dont disposent ces collectivités pour le moment, les chances de parvenir à des espacesde vie qui soient agréables et paisibles sont intactes, pourvu que chaque projet de lutte contre l’insalubrité intègre des actions spécifiques de gestion du changement, dont la finalité sera de conduire les populations cibles à changer efficacement :
1. en accélérant le temps d’adoption des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines ;
2. en assurant l’adoption, par le plus grand nombre, des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines ; et
3. en renforçant l’intégration, par le plus grand nombre, des comportements d’hygiène et de propreté ou de toutes autres pratiques idoines.
Selon George Bernard Shaw : « Il ne peut y avoir de progrès sans changement et ceux qui ne peuvent même pas changer d’idée ne peuvent rien changer. » L’insalubrité n’est pas une fatalité. Dans le même temps, la salubrité n’est pas non plus une simple question de financement et de ramassage ou de traitement d’ordures et de déchets. La salubrité commence chez l’homme qui produits ces ordures et déchets et qui, si l’on n’y prend garde, pourrait finir par s’y habituer et s’y confondre.
Merci à la Commission Nationale d’Organisation du Cinquantenaire de l’Indépendance de la Côte d’Ivoire de nous donner l’occasion de faire ensemble le point de la capacité de changement des Ivoiriens. Merci à tous (Ministères, ADDCI, UVICOCI, entreprises privées, associations professionnelles et ONG) de prendre le temps de considérer la proposition du Cabinet AFRiCHANGE pour changer durablement nos organisations et nos communautés en changeant efficacement les individus et les groupes qui les composent, dans le cadre des perspectives des 50
prochaines années de l’histoire de la Côte d’Ivoire indépendante.
Merci Monsieur SEKA pour cette excellente initiative qui montre l'importance de la réflexion et des études techniques et de planification pour trouver des solutions optimales au problème de la salubrité en milieu urbain et suburbain.
RépondreSupprimerIl n'y a pas de doute que ce sujet va intéresser la quasi majorité des adhérents qui au nombre de 1187 personnes de différentes nationalités. Donc, c'est une occasion pour faire un bilan d'une dizaine de pays africain au moins (AFRiCHANGE doit pouvoir jouer le rôle de vecteur de changement et de sauvegarde de l'environnement dans d'autres pays africains en vulgarisant l'expérience ivoirienne).
J'espère que d'ici la fin de ce mois d'août, nous aurons à débattre ce sujet au sein d'un Club restreint de 15 participants au moins en mettant en exergue l'expérience réelle du simple citoyen (surtout que personne n'est épargnée; dans toutes les villes africaines il y a des ordures ménagères avec des insectes et des odeurs, des maladies respiratoires et cutanées).
Merci "gigocool" pour votre participation avec cette courte phase "C'est bien tout ça, mais la gestion en Afrique est toujours entachée" qui va nous permettre de bien délimiter les contours du sujet soumis au débat..Il me semble que nos interventions doivent concernés un secteur bien précis et je me permets de reformuler votre phrase en disant "C'est bien tout ça, mais la gestion des services publics chargés du ramassage des ordures ménagères en Afrique est souvent entachée". C'est plus précis. N'est-ce pas ?. Aussi, je me demande si le mot "entaché" n'est pas très fort ? j'ai cherché les synonymes de ce mot (souillée, salie, contaminée, tachée, encrassée, maculée, barbouillée !!), je maintiens ce mot que je trouve à sa place compte tenu des nuisances multiformes engendrées par l'accumulation des déchets dans les agglomérations.
Remarquez que la réflexion de M. SEKA concerne un cas réel: une ville qui était propre (avec une SITAF performante), puis la situation s'est graduellement dégradée... Aussi, souvenez-vous de ces images passées par la télé il y a quelques mois qui montrent les ordures ménagères qui envahissaient les villes italiennes .... Les difficultés existent partout même dans les pays modernes titulaires de plusieurs brevets d'invention dans les techniques de ramassage et de traitement des déchets solides.
Pour clore cette première intervention, je me permets de rappeler que l'auteur M. SEKA a bien dit que "L’insalubrité à Abidjan n’est ni une fatalité, ni un accident" et il a parfaitement raison... il nous appartient nous africains membres du Club Afrique Compétences de débattre ce sujet pour favoriser l'analyse critique constructive et donner naissance à des solutions tirées de l'expérience réelle.
C'est bien tout ça, mais la gestion en Afrique est toujours entachée
Merci à M. BELLAHSEN pour sa contribution qui élargit le débat déjà à ce point et ouvre des perspectives intéressantes comme celles du "bilan d'une dizaine de pays" et de la mise en exergue de "l'expérience réelle du simple citoyen" en matière de salubrité. Nous attendons avec intérêt des témoignages d'expériences réelles venues d'autres villes et d'autres pays d'Afrique pour élaborer les TDR du bilan proposé
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerPassons à l’action:
Pour les exemples pratiques, je propose une numérotation sous cette forme :
Pays/Ville/Quaritier/numéro d’ordre, pour faciliter les débats.
Exemple n°Ma/Te/HOE/RCD/01 : L’importance de la Société Civile (Association des quartiers).
Je suis au Maroc (Ma) et j’habite la ville Témara (Te) au quartier HOE (Hay Oued Eddahab) / Rue Chouene Demnate (RCD).
En 2002, devant l’incompétence et l’insouciance des services municipaux chargés de la propreté de la ville, 7 ou 8 pères de familles se sont mis d’accord pour la création d’une petite association qui doit agir pour mettre fin à une série de problèmes (inondation du quartier par les eaux de pluie, les lots de terrains non bâti constituent des points d’accumulation des ordures ménagères, multiplicité des vols d’où besoin de gardiennage pendant la nuit, soutien aux familles nécessiteuses, etc.). Pour assurer une large participation de tous les habitants une note d’information a été élaborée et distribuée en traitant 3 points essentiels (description des états des lieux, annonce des principaux objectifs fixés pour l’Association, appel à candidature pour siéger au sein du comité provisoire, date probable pour la tenue de l’assemblée constitutif). C’est une étape très importante pour bénéficier de l’adhésion de tout le monde.
24 heures après la constitution du bureau de l’association (la présence d’un technicien ou ingénieur imprégné de connaissances en Génie Urbain est nécessaire, sinon il faut songer intégrer, à titre consultatif, des sympathisants capables de tenir le même langage que l’ingénieur municipal. Le bureau est constitué en faisant des élections (un petit exercice sur la démocratie interne pour éviter des opposants fantaisistes)), le Président a rédigé des courriers détaillés étayés par des schémas et des photos qui montre le degré de salubrité et qui rappellent les démarches antérieures engagées individuellement et laissées sans aucune suite. Aussi, dans ces courriers le Président de l’association sollicite une réunion de travaille avec les gestionnaires et techniciens … Les courriers doivent être déposés au bureau d'ordre en exigeant un accusé de réception pour préparer un premier rappel (15 jours par exemple) et pour bien gérer la traçabilité et l'évolution des réclamations.
En résumé : L’efficacité peut être garantie en passant par l’implication d’ONG locales mais avec la présence de volontaires capables de tenir le même langage que les gestionnaires/ingénieurs/techniciens des services concessionnaires (les volontaires, membres de l'association, agissent comme acteurs pour la régénération des consciences et stimulant pour l’application des normes et bonnes pratiques régissant ce domaine technique)
J'ai beaucoup apprécié l'analyse de M. SEKA qui est très juste. Tout l'or du monde ne rendra pas Abidjan ou la CI propre. Il faut changer les mentalités, éduquer les personnes. L'hygiène, le respect de l'environnement doit devenir un mode de vie.
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